Le développement de dispositifs ou biomatériaux innovants en particulier pour des applications biologiques dans des domaines tels que le biomédical, la biodétection ou le biofouling nécessite un contrôle précis des interactions entre les objets biologiques, que sont les biomolécules, les cellules ou les microorganismes par exemple, et la surface du matériau. La composition chimique de la surface du matériau, ses propriétés physico-chimiques et physiques mais également la dimensionnalité de cette surface, notamment son éventuelle structuration à l’échelle micro- voire nanométrique, sont des caractéristiques essentielles à la compréhension et au contrôle des mécanismes d’interaction entre le matériau et son environnement. De plus, l’intégration de diverses fonctionnalités, potentiellement évolutives ou stimulables, est un objectif fréquemment visé ces dernières années. Par conséquent, l’élaboration d’interfaces complexes en tant que surfaces modèles, planes ou sous forme de micro- ou nanoparticules, pour répondre à des questions fondamentales mais également pour développer des interfaces performantes, éventuellement micro- ou nanostructurées, répondant à un cahier des charges applicatif précis, constitue une brique élémentaire dans la bioingénierie des interfaces.
Le développement d’une interface complexe débute généralement par la définition de la fonctionnalité chimique que la surface doit présenter. Cette fonctionnalité est conférée à la surface via différents protocoles incluant la fonctionnalisation chimique, l’impression 3D et/ou nano-structuration. Afin de conserver les propriétés massives du matériau, seule l’extrême surface de ce dernier peut être modifiée selon des techniques de fonctionnalisation très variées comme mentionné ci-dessus. Qu’elle s’effectue par voie sèche ou humide, sur substrats homogènes, ou hétérogènes, l’enjeu principal de cette étape de fonctionnalisation est de contrôler la densité de greffage, la localisation des fonctions réactives ainsi que leur accessibilité. Ainsi, un premier volet de cet axe couvrira l’élaboration de surfaces fonctionnalisées par des procédés chimiques et/ou électrochimiques allant de la préparation de couches minces à la formation de films de polymères en utilisant notamment des macromolécules bioinspirées à l’exemple des dérivés de polydopamine ou des peptides antimicrobiens et plus largement de tout matériel biologique ou biomimétique. Cet axe s’étend à l’utilisation de procédés de dépôt chimique en phase vapeur, tel que la polymérisation plasma. Outre le contrôle des propriétés chimiques de la surface, la maîtrise des caractéristiques physiques de cette dernière constitue un enjeu majeur dans la bioingénierie des interfaces. A titre d’exemples, les propriétés viscoélastiques, la dureté ou encore la déformabilité de la surface sont autant de caractéristiques ayant un impact direct sur le comportement d’un objet biologique au contact d’un matériau. En effet, des surfaces ayant des modules d’Young de l’ordre du GPa ou à l’inverse des films minces de type hydrogels peuvent induire des réponses biologiques opposées. Il est évident que la compréhension de l’impact des dimensions caractéristiques des surfaces fonctionnalisées sur la réponse biologique entre entièrement dans le périmètre de cet axe.
Une attention particulière sera portée sur la possibilité de transférer des concepts validés à l’échelle du laboratoire vers des prototypes voire des dispositifs médicaux commercialisables. Un premier point concerne la simplicité du procédé de fonctionnalisation avec des stratégies de fonctionnalisation one-pot, des synthèses à nombre d’étapes limité, des procédés de modification de surfaces applicables à des natures et des géométries de substrats variées. Un second aspect qui sera traité dans le cadre de ce GDR concerne la stabilité et la durabilité de la fonctionnalisation de surface. Il est en effet important de comprendre l’impact des conditions d’élaboration de l’interface sur sa stabilité dans le temps. En particulier, les phénomènes de dissolution des premières couches atomiques, les phénomènes de restructuration (par exemple suite à l’adsorption de peptides), les modifications des degrés d’oxydation, les effets sur la répartition surfacique des dopants doivent être pris en considération. Ces points sont d’autant plus importants que la nanostructuration du substrat exacerbe certains phénomènes interfaciaux. Enfin, les problématiques d’adhésion et de cohésion des dépôts réalisés seront partie intégrante de cet axe. Cela pourra inclure des questionnements sur l’activation de surface, l’adhérence des dépôts, en particulier lorsque ces derniers sont soumis aux contraintes mécaniques que peuvent exercer des objets biologiques tels que des cellules ou des microorganismes, et plus généralement la cohésion de l’interface créée qui peut être améliorée par une étape de post-fonctionnalisation telle que la réticulation chimique. Enfin, le parallèle sera fait entre les surfaces planes et les suspensions colloïdales qu’il s’agisse de particules compactes ou de vésicules de toute origine, les processus superficiels sont souvent régis par la même chimie mais dans ce second cas, le maintien de la stabilité des édifices à fonctionnaliser requiert des précautions supplémentaires.
Les connaissances acquises sur les problématiques liées à la chimie, à la physique et au procédé d’élaboration de ces surfaces serviront à la conception de nouvelles interfaces complexes, potentiellement multifonctionnelles et apportant la sélectivité désirée. Il est en effet fondamental d’établir les relations entre la structure et les propriétés de surface afin de guider la fonctionnalisation des surfaces en vue de conférer au matériau de demain la singularité escomptée.
Dans le cadre de ce renouvellement, nous proposons d’élargir le champ de cet axe à la bioingénierie d’interfaces en 3 voire 4 dimensions. L’impression 3D est largement utilisée dans le domaine des biomatériaux, en particulier du fait de sa liberté de conception, dans le but général de créer l’environnement le plus proche possible de celui rencontré in vivo par les objets biologiques. Une conférence invitée avait présenté les potentialités de cette technologie lors d’une journée thématique du GDR sur les biomatériaux en 2018 (Christophe Marquette, Impression 3D pour la bioingénierie). L’intégration d’un volet axé sur la bioingénierie d’interfaces grâce à l’impression 3D nous parait particulièrement pertinente au regard de l’intérêt grandissant de l’élaboration de matériaux personnalisés, sur-mesure, mimant le milieu vivant. De plus, le développement de techniques de micro- et nanostructuration telles que la micro-impression 3D ou la lithographie interférentielle complète très bien ce volet lorsque le contrôle de la topographie du matériau à très petite échelle est considéré. Cette perspective de développement de l’axe « Elaboration de biointerfaces complexes » est soutenue par l’intégration de nouvelles équipes de recherche possédant une expertise reconnue dans ce domaine. Il sera envisagé dans le cadre du renouvellement d’aller jusqu’à l’impression 4D en intégrant un contrôle temporel des interactions, en plus du contrôle spatial, puisque les développements actuels dans le domaine de l’impression 3D tendent vers l’intégration de surfaces évolutives ou stimulables, conférant un caractère 3D dynamique au matériau. Le contrôle temporel des interactions entre les objets biologiques et les surfaces dans un environnement en 3D permet d’imaginer une adhésion ou répulsion sélective et réversible des objets biologiques dans un milieu proche de celui rencontré in vivo.